mercredi 28 avril 2010

Avec une aile en moins, çà vole moins bien...

Petit récit de ma récente (més)aventure. J'attendais d'y voir plus clair pour poser çà par écrit.

Samedi 17 avril, première manche de la A de St Hilaire, décollage sud. Pendant que certains sont déjà au plaf et que le start ne va plus tarder, on nous annonce qu'un hélico va arriver pour aller chercher un pilote aux arbres.
Les conditions sont mauvaises depuis une bonne demi-heure, avec un petit vent arrière qui souffle sur nos nuques... certains réussissent à décoller, parfois après plusieurs tentatives infructueuses.
Je décide à mon tour de me positionner sur la cassure pour décoller. Un peu plus bas dans la pente, un pilote lutte pour dégager sa voile d'un épineux. Cà dure. Je finis par décider d'y aller malgré sa présence sur ma trajectoire de prise de vitesse, je gonflerai légèrement dissymétrique pour partir en diagonale.
Gonflage paresseux, la voile garde les oreilles, retournement dans la foulée et évitement du pilote dans les épineux, puis course en essayant de finir d'ouvrir la voile. Pas de prise en charge par manque de vitesse-air (léger vent ar, plus le poids des 33kg, plus l'ouverture incomplète de la voile).
Un regard sur la clôture en bas du déco, qui marque le début du replat herbeux. Pas sûr que je l'évite ! Enfin la voile me prend en charge du côté droit, qui vient probablement d'ouvrir enfin. Ressource avec roulis gauche, la clôture va passer.
Mais là surprise, la voile poursuit son roulis gauche tout en prenant plus de vitesse, une seconde après j'impacte semi-couché sur le côté gauche.
Je sens mon épaule se déboîter, puis se remboîter deux secondes plus tard. La douleur est vive, mais supportable.

J'ai conscience que je viens de me faire mal, mais comme la douleur est gérable, je décide de temporiser. Après quelques minutes, la douleur est redescendue suffisamment pour que je puisse me relever. Je remonte péniblement au déco, puis m'assieds au deuxième rang, espérant que la douleur baisse encore pour pouvoir tenter un nouveau déco.
La douleur est encore un peu plus gérable. Isabelle passe non-loin de là et je l'informe que je me suis fait mal à l'épaule et que j'ai besoin d'elle pour me préparer la voile. Elle comprends la situation et fait particulièrement attention à ma préparation.

Les conditions s'améliorent depuis 5 minutes. Isabelle étale ma voile, c'est face, je gonfle mais ne peux lever le bras gauche plus haut que l'horizontale. Heureusement la R10 poursuit sa montée seule et je n'ai qu'à me retourner en freinant, aïe ! l'épaule gauche ne veut pas volontiers bouger.
Déco réussi, ouf !
Maintenant, concentration sur la manche. Le start est déjà passé. Il faut monter pour aller faire une balise un peu devant en plaine. Premier thermique... aujourd'hui on enroule... à gauche !!!
Re-aïe !
A un moment où je suis seul, je change de sens. C'est encore plus douloureux ! En fait en virage à gauche, je peux afficher un niveau de frein et gérer l'aile extérieure avec la main droite. Alors qu'en virage à droite, impossible de piloter l'aile exérieure avec mon bras gauche qui a beaucoup de mal à remonter. Ce qui me cause le plus de soucis, ce sont les actions rapides comme "se mettre bras hauts", "calmer une attaque par un bref coup de frein, suivi de la remontée indispensable et rapide de la main".

J'écoute des pilotes annoncer en radio "niveau 1"... pour moi, c'est 2 bien tassé ! J'ai souvent peur de me prendre l'aile sur la gueule, car je sais que je n'aurai pas la vivacité pour agir correctement sur la demi-aile gauche. Un vrai handicapé !

Mais bon, le vol suit son cours. J'ai un peu d'énergie pour la tactique et je tire même un peu mon groupe d'attardé vers B2 et un peu après.
La suite du parcours nous emmène vers l'intérieur de la Chartreuse. Le groupe de tête est en train de sortir dans la classique combe du Manival. Je marsouine de thermiques en thermiques pour avancer le plus vite possible (sans oser toucher au barreau évidement).
A l'approche du Manival, il va falloir monter. C'est là que çà se gâte. Je marque mes limites techniques dans les bouts de thermiques hachés qui nous promènent sans bien nous monter. Je ne suis pas le seul à galérer, mais certains commencent à sortir à leur tour et je n'arrive pas à leur emboiter le pas. Je me retrouve comme un débutant qui n'arrive pas à enrouler.
Après peut-être un quart d'heure, je sors mon premier petit plein me permettant d'avancer vers le fond de la combe en rebondissant sur de meilleurs thermiques.
Je rejoins Steph Loisy. Dom Guenard n'est pas loin. Nous voyons le groupe de tête déjà de retour de la B3 du Charmantsom, qui raccroche la Dent de Crôlle plus haut que nous !

Je ne m'en rends pas compte tout de suite, mais cette vision me fait du mal. Je suis moins pertinent dans mes choix, je papillonne, je m'énerve, je commence à me parler à voix haute. La douleur, présente depuis le début, commence à m'obnubiler. Je tente de me raisonner en me disant que c'est une excuse pour abandonner, un peu comme quand on a envie de pisser... mais une autre voix apparait qui me dit que ce que je suis en train de faire ne sert à rien et que je ferais mieux d'économiser mon épaule et d'aller me poser.
Deux minutes d'hésitation, et je me dit que ce serait bête de risquer de se retrouver posé en Chartreuse avec mon épaule abimée. Abandon, direction le Grésivaudant.

Une fois en vallée, je me dis qu'il peut tout de même être intéressant de simuler une rentrée au goal en passant par la dernière balise située à 6km au sud du goal, car çà ne me paraît pas évident à estimer.
Je m'avance donc un peu en est de cette balise tout en modifiant ma route, pour me trouver dans une situation analogue à la rentrée que les meilleurs auront dans moins d'une heure si tout va bien pour eux.

Je fais quelques virages à 1km à l'est de la balise, puis je me décide à 9,3 de finesse. La branche de 1km vers l'ouest s'avère moyenne et je tourne la balise à 9,5... çà ne rentrera pas face au vent ! Cà serait con de poser hors terrain avec mon épaule en vrac... Je trouve un thermique 500m au nord de la balise, qui me remonte à 8 de finesse. Allez, je tente ! Et çà rentre car la fin sur les maisons est particulièrement porteuse.

Posé près de Jérôme qui gère la course de l'atterro, je lui demande de l'aide pour enlever mon speed-arm, car j'ai trop mal pour l'enlever moi-même.

La suite, vous la connaissez, Médipôle, radio, consult le mardi suivant avec un chirurgien, puis artho-scanner le lundi suivant (merci à Hubert Bigot, le médecin de l'Equipe de France, qui m'a trouvé le RDV) et enfin re-consultation avec le chirurgien hier, qui a finalement tranché :
- rupture partielle de la coiffe, mais pas d'opération, ouf!
- 45 jrs de cicatrisation avant la reprise
- 2 mois 1/2 de kiné
...et tout devrait rentrer dans l'ordre !

Prochaine compète si tout va bien : La A des Saisies le dernier WE de mai.
Prochaine "grosse compète" : la Coupe du Monde grèque, le 19 juin.

Je mettrai peut-être un post d'ici-là après mes premiers vols de reprise, que j'espère faire après la vague de mauvais temps annoncée pour la semaine prochaine.